De Keyzer Drinks se spécialise dans les grands vins de Bordeaux : “Qui achète ça? C’est comme demander qui achète une Ferrari?”

Dans une maison de ville anonyme le long de la grande route à Sint-Stevens-Woluwe, non loin du magasin principal de De Keyzer Drinks où les clients vont et viennent pour acheter des boissons gazeuses, bières, vins ordinaires ou spiritueux, se trouve l’une des caves à vin les plus impressionnantes du pays.

Dans cette annexe, on ne pénètre pas si facilement. L’endroit est doublement sécurisé et accessible uniquement sur rendez-vous. Aucun luxe ostentatoire, même pas dans la cave elle-même. À première vue, on pourrait penser être dans un entrepôt quelconque, rempli d’étagères avec des caisses en bois et des cartons. Et pourtant, vous vous tenez là au milieu des meilleurs vins que Bordeaux peut offrir.

“Ce qui compte, c’est le contenu des caisses, pas le spectacle autour,” disent les gérants Marc De Keyzer (56 ans) et Alain Smets (58 ans). Sur le stock total, ils restent discrets. “Il y a aussi bien des bouteilles à 50 euros, mais les montants grimpent vite,” explique Alain. “Deux caisses de six bouteilles de Petrus, et vous atteignez déjà 50 000 euros. Ici, cette boîte contient un double magnum de Petrus, un trois litres, déjà estimé à 20 000 euros. Et dans la boîte d’à côté, une bouteille à 10 000 euros. Ça monte vite.”

Mais bien sûr, il y a bien plus que du Petrus. “C’est un paradis pour les amateurs de grands vins de Bordeaux, comme être à Disneyland,” dit notre spécialiste des vins Alain Bloeykens, qui visite la cave avec nous. “Ce qui se trouve ici, je ne l’ai que rarement vu rassemblé dans un même espace. De grands Pommerol au Domaine de Chevalier, Phélan Ségur, Mouton Rothschild, Haut-Brion ou encore Le Pin de la famille belge Thienpont. Ce dernier coûte facilement quatre à cinq mille euros la bouteille, même en année moyenne. Il existe peu d’endroits en Belgique où l’on trouve et vend une telle collection.”

Un système ingénieux

“Nous travaillons là-dessus depuis plus de trente ans,” explique Marc De Keyzer. “Ce n’est pas quelque chose que l’on fait du jour au lendemain. Il faut investir beaucoup de capital, mais aussi construire des relations. On ne peut pas simplement aller acheter du vin dans un grand château de Bordeaux. Même si vous connaissez très bien la famille, la vente des Bordeaux passe uniquement par des négociants qui vous attribuent un certain nombre de bouteilles. Par exemple, nous avons droit à 300 bouteilles d’un certain château. Ni plus ni moins. Il a fallu investir pour obtenir et conserver ce droit. Si vous sautez un millésime à cause d’une mauvaise année, vous risquez de perdre votre allocation l’année suivante. Et vous ne pouvez pas acheter uniquement les meilleurs vins : pour y avoir droit, il faut aussi acheter les vins moins réputés. C’est un système ingénieux.”

Parmi leurs clients figurent des restaurants étoilés belges, des entreprises, mais aussi des amateurs de vin. “Quand on me demande qui achète ces grands crus, c’est pour moi comme demander qui achète une Ferrari,” dit Alain Smets. “Des personnes qui en ont les moyens. Le prix d’une bouteille dépend uniquement de celui qui l’achète. Pour beaucoup, 1 000 euros pour une bouteille, c’est énorme. Mais si vous gagnez 50 000 euros par mois, une caisse à 5 000 euros, ce n’est rien. Nous le voyons souvent. Un ami qui gagne bien sa vie ouvre facilement une bouteille à 1 000 euros à table, un autre une bouteille à 10 euros. Ça dépend. Par exemple, un restaurant de la région propose une belle carte des vins parce qu’ils ont une clientèle d’affaires aisée. Si un contrat de 20 millions est signé, qu’est-ce qu’une bouteille à 1 000 euros?”

Selon eux, les ventes de ces grands crus continuent de bien se porter, malgré les rumeurs de déclin des Bordeaux depuis des années. “Les petits Bordeaux, eux, sont en difficulté,” explique Alain Smets. “De nombreux producteurs ont déjà dû arracher leurs vignes. Mais les grands crus se vendent toujours bien. Nous avons eu deux mois plus calmes, mais cela ne signifie rien. Nous pourrions tout aussi bien vendre dix caisses bientôt et être de nouveau dans une bonne position. De plus, l’année a très bien commencé pour nous. Honnêtement, nous ressentons peu la crise dans ce segment. Cela s’explique aussi par le fait que plusieurs grands commerçants ont arrêté ces dernières années, ce qui nous a permis de récupérer une partie de leur clientèle. Nous n’avons pas de plaintes. Le marché pour ce segment est toujours là, et les prix aussi.”

Source: www.made-in.be

Foto’s: KRIS VAN EXEL